Le goût de partager
Les bons choix de Nadia
Le goût de partager, c’est le nom du nouveau magazine de la SAQ, lancé il y a quelques semaines. Sorte de refonte de feu le magazine Cellier et de la brochure Tchin-Tchin, cette nouvelle mouture sera distribuée en version papier dans le réseau des succursales de la SAQ, mais elle se distingue surtout des deux publications précédentes par sa version numérique dont le contenu sera renouvelé toutes les semaines et qui pourra être consultée en ligne.
Le contenu du premier numéro de ce nouveau magazine donne le ton: la SAQ s’adresse à une clientèle élargie avec des articles légers qui s’inscrivent dans la tendance «art de vivre». Les articles de fond sur les régions viticoles ou sur les spiritueux, comme on en trouvait dans la formule originale du Cellier, ont fait place à des billets plus légers sur la température de service, les vins de l’État de Washington, les tendances de consommation, le vermouth québécois et les accords mets-vins. Rien pour satisfaire la curiosité d’amateurs sérieux, mais une lecture estivale intéressante pour découvrir de nouveaux produits.
Sur une note plus personnelle, j’ajouterais que la notion de partage est au cœur du plaisir que me procure le vin. Vous m’enlevez le facteur « partage en bonne compagnie», j’aurai certainement moins de plaisir. Et avec la saison des dégustations intensives qui s’amorce en vue du prochain Guide du vin, je me demande si ce goût de partager ne ferait pas un peu partie de mes critères d’analyse – inconsciemment s’entend, mais quand même.
Au-delà de l’analyse froide et technique que commande notre métier, je sais qu’un vin me plaît quand je me réjouis à l’idée de le regoûter le soir venu, entourée d’amis. J’aime les entendre en parler. J’aime lire la réaction sur leurs visages, positive ou négative.
Parce que, l’analyse des qualités organoleptiques, la texture, l’équilibre et la complexité aromatique, c’est bien, primordial même, mais ultimement, la question que devrait se poser tout dégustateur avant de passer au verre suivant c’est: « est-ce que j’en boirais? »
Ma réponse, à tout le moins pour les vins commentés ci-dessous: bien sûr que oui!
Soif de rosé ?
Ce n’est pas tous les jours évident, mais la saison du rosé est officiellement commencée. Et si je me fie à ce que j’ai goûté jusqu’à présent, la sélection de l’été 2017 à la SAQ s’annonce pour être l’une des plus étoffées et des plus intéressantes des dernières années. Profitez-en!
Les amateurs des rouges du Château Revelette, à Aix en Provence, ne voudront absolument pas manquer l’arrivée à la SAQ du Rosé 2016 (19,50 $). Un vin d’une exquise pureté et d’une grande profondeur aromatique, qui met en évidence le talent du vigneron Peter Fischer. Si vous doutez encore que les rosés peuvent être des vins sérieux, sautez là-dessus !
Sur les sols calcaires des contreforts des Monts Auréliens, dans les Coteaux Varois, le vignoble Domaine du Deffends produit l’excellent Rosé d’une Nuit 2016 qui, comme son nom l’indique, est soutiré dans la nuit suivant la récolte. Les baies de grenache noir n’ont donc eu que quelques heures pour colorer le jus et donnent un vin plus cher que la moyenne, mais aussi élégant, complexe et très fin.
Dans un tout autre registre de saveurs, Laurence Féraud récidive cette année avec un rosé déroutant qu’il m’a fallu essayer quelques fois pour bien le comprendre. Conclusion : le plaisir croît avec l’usage. Évidemment, si vous rêvez d’une salade de fruits, il faudra chercher ailleurs. Le Pink Pégau 2016 (19,95 $) est résolument plus près de la terre que du bonbon, avec des notes presque animales et une finale umami, qui donneront des accords originaux à table.
La cuvée Saint Ferréol 2016 (21,95 $) de la maison Gabriel Meffre fait honneur à la réputation de l’appellation Tavel, dans le sud du Rhône, connue pour ses rosés de saignée. Le caractère aromatique est marqué par le cépage grenache et la texture est passablement charnue, presque tannique. On gagnera à l’aérer en carafe une heure avant de le servir.
De ce côté de l’Atlantique
Généralement parmi mes favoris de la saison, le Vin Gris de Cigare (22,75 $) de Randall Grahm (Bonny Doon) m’a semblé un peu moins vibrant en 2016. Effet millésime? Peut-être. N’empêche, malgré ce léger fléchissement, le vin reste tout à fait recommandable. J’en tiens pour preuve une bouteille posée sur la table samedi soir. Aussitôt ouverte, aussitôt éclusée!
Au nord de Montréal, dans les Basses-Laurentides, le Vignoble Rivière du Chêne produit depuis quelques années le Rosé Gabrielle 2016 (14,70 $); composé de seyval noir, de ste-croix, de frontenac gris et de sabrevois. Parfumé, mais tout à fait sec, avec une juste dose de gras, qui enrobe l’acidité propre aux bons vins d’ici. Très bon à l’apéro ou à table, avec un filet de truite.
Sur un mode un peu plus filiforme, le Rosé 2016 (15,45 $) du Domaine St-Jacques, en Montérégie, affiche une couleur pâle cette année et mise davantage sur la vivacité que sur la rondeur. Sec et croquant, avec de bons goûts de petits fruits rouges acidulés.
En rafale, quatre rosé abordables et disponibles dans l’ensemble du réseau:
Domaine de Gournier, Rosé 2016 Cévennes (11,55 $); un classique, avec raison. Joliment fruité, net, sec et assez gras.
Borsao, Rosado Seleccion 2016, Campo de Borja (11,80 $); couleur pâle, saveurs franches; sec et ponctué d’une agréable amertume.
Michel Gassier, Buti Nages 2016, Costières de Nîmes (14,55 $); nez très expressif; bouche nette et vive, dépourvue de sucre, jolie pointe saline en finale. Biologique.
Jeanjean, Le Pive Gris 2016, Sable de Camargue (15,05 $); biologique, délicat, équilibré. Impeccable cette année encore.
Rouges de soif
Si tous les pinots du Nouveau Monde étaient si bons et si abordables que le Félicité Pinot noir 2015 (19,70 $) de Newton-Johnson, la Bourgogne n’aurait qu’à bien se tenir. Le nez annonce de belles choses et la bouche ne déçoit pas. Très bon vin sud-africain, délicat et épuré.
Lui aussi, particulièrement juteux et affriolant en 2016, le beaujolais de Marie Lapierre et Jean-Claude Chanudet, au Château Cambon 2016 (22,95 $), plaira à coup sûr à l’amateur de gamay de soif. Un régal de fraîcheur, très polyvalent à table.
Envie d’un peu plus de mordant pour accompagner vos grillades? Goûtez le Marcillac 2015, Lo Sang del Païs (16,80 $) du Domaine du Cros. Exemple parfait de bon rouge des montagnes – Marcillac est situé dans les contreforts du Massif Central – ce vin composé de mansois (fer servadou) présente une attaque nerveuse et des tanins juste assez granuleux. Servez-le à l’aveugle à des amateurs de vins rouges de la Loire, ils jureront que c’est un cabernet franc.
Blancs d‘envergure
Grégory Patriat (Jean-Claude Boisset) continue sur la même voie et signe un Bourgogne Aligoté 2014 (25,60 $) hors norme, issu de l’agriculture biologique, puis vinifié et élevé en fûts de chêne, à la manière d’un chardonnay. Un excellent vin blanc à la fois dense et structuré, à apprécier à table et à savourer sans se presser, jusqu’en 2022.
Autres adeptes de la biodynamie, Alphonse Mellot père et fils signent un Sancerre absolument délicieux au Domaine de la Moussière (28,55 $). Leur 2016 est une réussite sur toute la ligne: précis, structuré, élégant et racé. À ce prix, c’est presque une aubaine.
Enfin, toujours dans la Loire, mais du côté de Saumur, la Coulée de St-Cyr 2013 (27,25 $) du Domaine de St-Just fera un mariage rêvé avec un poisson à chair grasse, cuit en papillote sur le barbecue. Une belle bouteille à boire sans se presser jusqu’en 2023.
À la vôtre!
Nadia Fournier
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